Rev Jean-Marc Kukan Delom Moine Bouddhiste Zen
C’est après six mois intenses de travail et de fatigue que j’ai commencé ce second Ango ( retaite) pour expérimenter ce qui me semblait être une suite logique dans ma pratique. Dans la petite pièce à l’écart de tout le monde je me suis souvenu des raisons qui m’avaient amené dans ce temple pour la deuxième fois. Un mélange d’enthousiasme pour retrouver Dosho Roshi et de doute. Le sentiment d’être à ma place m’a envahi. Quitter sa famille, son travail, ses habitudes, son confort pendant trois mois avait encore une fois provoqué un mélange d’incompréhension et de questionnement dans mon entourage. Quant à moi, je n’ai suivi qu’une chose… mon intuition !
Les activités quotidiennes sont rapidement revenues à la normale comme lors de ma première angine. La pratique s’est implantée comme en France, le temps n’avait plus aucune influence, seuls les sons du monastère rythmaient les journées. Le sentiment d’être là depuis des mois était présent en moi.
Nous vivions ensemble dans un petit espace. Nous avons dormi dans la sodo ( la salle de méditation) mais dans ce dépouillement total où rien ne nous appartenait vraiment, sauf une valise et nos affaires pratiques ; J’avais l’impression d’avoir l’essentiel et tout en même temps. Un simple café accompagné d’un gâteau a créé en moi un bonheur subtil et total. Cet espace était aussi un lieu de rencontre pour nos égos, pour nous voir dans le miroir des yeux des autres. Le rythme intense des journées, la fatigue exacerbaient les frictions, les tensions… Mais la pratique continue a pris sa place et tout est redevenu lisse, fluide et doux.
Cet Ango (retraite) m’a aussi permis de mieux connaître et de nouer des liens forts avec d’autres Tokudo (moines) . Nos activités communes, les cérémonies, nos discussions non verbales, ont été autant de moments de partage et d’échange. L’Ango est un moment où l’on peut approfondir le fonctionnement et la construction du « moi » à travers cet « autre », en observant les différences, les similitudes et tout ce qu’il a de profondément humain. : la conscience, les émotions, la parole signifiante et l’intelligence créatrice comme moyen de transformation et de changement.
Bien sûr, nous sommes tous venus de pays différents, nous parlons des langues différentes, nos cultures sont différentes mais nous parlions la même langue : celle du Bouddha.
Les cérémonies d’Obon étaient non seulement l’occasion de rencontrer la population et d’en comprendre le sens, mais aussi d’apprendre à vivre le moment présent dans sa simplicité et son authenticité. Sans trop répéter, il a fallu officier par l’observation et par une simple attention continue. L’erreur n’avait pas d’importance, seule l’harmonie entre nous comptait.
Vivre Ango va au-delà de la notion de vivre une expérience. A travers la barrière de la langue, j’ai rencontré le « Silence » pendant des sesshin( sessions de médiations intenses) puis à cause de ma difficulté à communiquer en anglais. Cette rencontre m’a amené peu à peu à prendre conscience « corporellement » et non mentalement de l’illusion de mes connaissances passées et de mes certitudes actuelles. Dans cette solitude et en voyant le reflet des choses, la vie apparaissait simplement maintenant. La première fois, en arrivant à Tosho ji, j’ai eu l’impression d’y avoir déjà vécu. Le jour de mon départ, il y a cinq ans, j’ai eu l’impression d’y avoir toujours vécu. En revenant après ce second ango la même impression m’accompagne.
Trois mois peuvent en réalité se résumer en un instant.
Un moment de silence dans cette « demeure paisible » !
Inscription à la Conférence du Jeudi 16 Novembre à 18h30 au Dojo Bouddhiste Zen , 6 Nantilly 37320 Esvres